Gloutonnerie/abstinence 3 (vice et vertu n°8)

Paroles curatives d’abstinence

L’abstinence rétorque à la gloutonnerie : « L’on ne joue pas de la harpe en arrachant et en piétinant les cordes de l’instrument. Toi, le glouton, tu te bourres le ventre jusqu’à en faire éclater les veines, puis tu te tors de douleurs. Où donc est la sagesse que tu as reçue de Dieu ? L’excès de viande et de vin ruine ton corps, tout comme les grosses averses ravagent la terre par inondation.

« Mon estime va à la belle image de l’homme et de la femme façonnés avec le limon de la terre. Je prends soin de la nature humaine et la respecte ; c’est pourquoi je mange et bois avec modération. En mangeant avec retenue, mon corps vibre harmonieusement, telles les cordes d’une harpe. Et comme un gigantesque orgue, l’univers résonne de ces belles vibrations. » 

« Toi, le glouton, tu es dépourvu d’intelligence, car tantôt tu jeûnes comme un fou, tantôt tu manges à en éclater. »

« Je mange avec modération et néanmoins avec plaisir, et vois avec bonheur mon corps générer des humeurs saines et un bon caractère. Je chante en m’accompagnant de l’orgue, et prie en m’accompagnant de la harpe. Tout cela me garde de la gloutonnerie et de l’obsession de table ». (LVM II, 5)

Comme le jeûne, l’abstinence offre un moyen simple de changer de mode de vie et de comportement. En mangeant sans excès, nous faisons l’économie de digestions laborieuses, de sorte que notre esprit s’en trouve allégé et élevé. L’abstinence n’implique cependant pas de renoncer seulement aux repas plantureux, mais aussi aux bien de ce monde, par amour pour Dieu. Bienheureux l’enfant dont la mère connaît les secrets de la mesure ! L’abstinence vient en compensation de la gloutonnerie et rétablit l’équilibre.

Les femmes enceintes ont tout particulièrement avantage à suivre les conseils donnés par Hildegarde en matière d’alimentation, parce qu’une nourriture saine est capitale pour la santé de l’enfant qu’elles portent. De même, elles ont avantage à vivre conformément aux forces de guérison inhérentes aux huit premières vertus, parce que cela est déterminant pour la formation du caractère de l’enfant qu’elles portent. Hildegarde écrit : « Je suis pleine de miséricorde ; d’elle jaillissent de minuscules cours d’eau. Je ne désire dissimuler aucune richesse aux nécessiteux dont j’entends les lamentations, ni en or, ni en pierres précieuses, ni en perles. Je les consolerai aujourd’hui même et soulagerai leur pauvreté par amour pour la Parole de Dieu, qui est douce et légère et distribue toutes choses bonnes à leur âme. La Parole guérit les blessures dues à leurs péchés, parce qu’ils ont fait repentance. » (SC III, vision 6, 1)

La gloutonnerie engendre toutes sortes d’obsessions : travail, alcool, drogues, médicaments, pilules contraceptives, cigarettes, plaisirs sexuels. L’obsession et sa sœur jumelle, la gloutonnerie, sont sans cesse à la recherche du paradis perdu ou de l’un de ses substituts. Les plaisirs de la table usurpent la place de Dieu, comme on peut le voir en tout restaurant gastronomique. Or « le royaume de Dieu, ce n’est pas seulement le manger ou le boire. » (Romain 14, 17.), mais toute nourriture élevant l’esprit.

Wighard STREHLOW, La guérison du corps et de l’esprit selon Hildegarde de Bingen, Saint-Jean-de-Braye, 2002, Editions Dangles, p.139-140.