Mensonge/Vérité 2 (vice et vertu n°11)

Paroles nocives de mensonge

Hildegarde voit le mensonge enveloppé de nuages épais et sinistres, de sorte que sa forme est à peine discernable. Il se tient sur de la mousse noire, sèche et dure, et crache des flammes. Et il tient ce langage : « Est-il possible de toujours dire la vérité ? Si je souhaite tout le bien du monde à mes semblables, ce sera à mon détriment. Il est dans mon caractère, dans ma nature, d’opprimer autrui. J’invente sans cesse des astuces, parce que je n’ai jamais vu quelqu’un gagner une réputation ou devenir riche et opulent sans de telles méthodes. Je veux acquérir les choses que je n’ai pas encore, et ferai tout pour cela, même si je dois mentir ou raconter des histoires. Si je disais toujours la vérité, l’opulence et la richesse me resterait inaccessibles. Mon devoir est de mentir et de tricher, si je veux acquérir des biens propres. Voyez les fanatiques de la vérité ! Ils sont détestés, sont sans possessions ni domicile. Je veux être riche et estimé, plus qu’aucun autre, et montrer mes richesses. C’est pourquoi je mens et travestis la vérité. Je fais usage d’histoires arrangées pour mon seul profit. Je fais appel à des experts sachant déformer la vérité, en sorte d’augmenter encore mes bénéfices. C’est le jeu que jouent les riches et les opulents. » (LVM II, 12)

Les politiques et les diplomates sont des exemples probants de l’art de la dissimulation. Mais les professionnels des relations publiques et les avocats pratiquent eux aussi le jeu de la déformation. Il convient aussi d’attirer l’attention sur le fait que la vérité n’a pas le même visage pour tous. Par exemple, les pilotes américains qui ont jeté des bombes au napalm sur le Viêtnam étaient des criminels de guerre aux yeux des Nord-Vietnamiens, mais des héros pour l’armée adverse. Comme l’a écrit saint Paul : « Car nous voyons à présent dans un miroir, d’une manière obscure, mais alors ce sera face à face.» 1 Corinthiens 13, 12.

Wighard STREHLOW, La guérison du corps et de l’esprit selon Hildegarde de Bingen, Saint-Jean-de-Braye, 2002, Editions Dangles, p.149-150.