LA PIVOINE (Beonia)

La pivoine est de nature ignée, elle a de bonnes vertus, et elle est efficace contre les fièvres tierce et quarte. Ecraser un peu sa racine, la mettre ainsi dans du vin et en boire souvent : cela écarte les fièvres tierce et quarte. On peut ainsi réduire cette racine en poudre, la prendre comme farine et y ajouter de la graisse et de l’huile de pavot : faire ainsi une sorte de bouillie dont on mangera souvent et ainsi la fièvre tierce et la fièvre quarte seront tenues à l’écart. 

Et si quelqu’un perd l’esprit au point de ne plus rien savoir et d’être comme en extase, il faut tremper de la graine de pivoine dans du miel et mettre cela sur sa langue : de la sorte, les vertus de la pivoine montent dans son cerveau et le réveillent : tant et si bien que le malade retrouve immédiatement son esprit et ses facultés.

Si quelqu’un a beaucoup de flegme dans la tête et dans la poitrine, et que, pour cette raison, il rejette beaucoup d’excréments et a une haleine fétide, il faut lui couper de la racine de pivoines en petites tranches, ajouter de la graine de pivoine, faire bouillir dans du vin et lui en faire boire souvent une petite dose, tiède : ainsi le malade protégera sa tête et sa poitrine et obtiendra que son haleine répande une bonne odeur. Quand il aura bu ce vin, il peut faire bouillir de l’autre vin avec la même pivoine, et cela jusqu’à trois fois. On peut aussi prendre de la graine de pivoine, la tremper dans du sang d’hirondelle puis la mettre ainsi détrempée dans de la farine de seigle ; et lorsque quelqu’un tombe du haut mal, en mettre dans sa bouche pendant qu’il est encore à terre et le faire chaque fois qu’il tombe à cause de son mal ; et finalement il sera guéri. 

Et si quelqu’un a les cheveux envahis par des teignes, qu’il fasse une lessive avec de la racine et de la graine de pivoine et s’en lave la tête : les teignes mourront. Il peut aussi mettre des racines et des feuilles de pivoines au milieu de ses vêtements : les teignes s’enfuiront et cesseront de les attaquer. 

Hildegarde de Bingen, Le livre des subtilités des créatures divines, Physique, Les plantes, les éléments, les pierres et les métaux, Traduit du latin par Pierre Monat, Editions Jérôme Million, Grenoble 2002, p.131-132